Lac

Jean-Christophe Maillot livre sa vision du «Lac des cygnes», pensée durant plus de dix ans. Il s'est adjoint les services de Jean Rouaud, pris Goncourt 1990 pour «Les Champs d'honneur», afin d'offrir à ce monument du répertoire classique une nouvelle dramaturgie. Ils se sont approprié l'histoire intemporelle de Siegfried et Odette afin d'en révéler son caractère moderne. Le plasticien Ernest Pignon-Ernest, collaborateur de longue date de Jean-Christophe Maillot, signe la scénographie de ce «Lac», et Philippe Guillotel a créé les costumes. -- Critique : S'attaquer à une énième version du Lac des cygnes est une chose. En proposer une vision vraiment incisive et musclée est une autre paire de manches. Et l'affaire se corse lorsqu'on se souvient des spectacles du Suédois Mats Ek ou de l'Anglais Matthew Bourne, qui ne faisaient pas dans le duvet... En 2011, le chorégraphe Jean-Christophe Maillot s'est lancé à l'assaut de ce gros morceau du patrimoine sur lequel il fantasmait depuis dix ans. Pour aiguiser son point de vue, il a demandé à l'écrivain Jean Rouaud, prix Goncourt 1990 pour Les Champs d'honneur, de plonger avec lui dans les profondeurs de ce lac mythique peuplé de créatures agressives et de pulsions féroces. Son Lac, créé pour trente-quatre danseurs sur la partition de Tchaïkovski, abat un jeu troublant en appuyant à fond sur la pédale psychanalytique. L'introduction du ballet, un bijou insolite de petit film en noir et blanc, redistribue les cartes : le roi a eu une fille de sa maîtresse, qui compte bien la marier au fils légitime du monarque. Et voilà comment le jeune héritier royal, amoureux d'une autre jeune femme, va être la victime des secrets de famille. Un noeud psy qui injecte un venin inédit dans ce scénario d'amour et de mort. Au-delà de l'écriture néoclassique vive et ondulante de Maillot, son Lac réserve quelques images frappantes, assez cinématographiques, auxquelles la réalisation alerte de Denis ­Caïozzi donne un joli coup de fouet. — Rosita Boisseau