La Reine Morte

L'histoire de Don Pedro de Portugal et de son épouse illégitime Inès de Castro, victime d'une guerre de clans : quand l'amour fou est contrarié par la Raison d'Etat. -- Critique : Double programme offensif autour du chorégraphe Kader Belarbi, directeur du Ballet du Capitole de Toulouse, qui entend renouveler le répertoire classique sans effets superflus ni budget pharaonique. Ce qui auréole ses deux grosses productions, Le Corsaire (2013) et La Reine morte (2011), d'une épatante pugnacité. Et ça marche ! Belarbi, étoile de l'Opéra national de Paris, met au point une chorégraphie qui colle au sens et opère une impeccable direction de danseurs. Il sublime le talent de la troupe toulousaine qui relève tous les défis avec style, technique et panache. S'attaquer à une version du Corsaire, ballet créé en 1856 par Joseph Mazilier, immortalisé par Marius Petipa en 1899, n'est pas une mince affaire. Cette superproduction orientalo-classique avec esclaves, pirates, pacha, enlèvements et crêpage de chignon au harem, est l'apanage des troupes russes et reste peu connue en France. Belarbi en extrait une version courte, limpide et lisible dans des décors simplement suggestifs. Tout aussi complexe à chorégraphier, la pièce d'Henri de Montherlant, sur Tchaïkovski, devient ici matière à un ballet tragique très découpé dont les rebondissements s'enchaînent. La fraîcheur du prince Pedro, fils de Ferrante, roi du Portugal, et de son amoureuse Inès, sacrifiée par le pouvoir, les méandres des sentiments, ouvre l'espace de scènes de groupe efficaces, mais surtout de longs et intenses pas de deux. Ambitieux pour la danse, pour sa troupe, Belarbi fait ici la preuve par deux qu'il a drôlement raison. — Rosita Boisseau