La mer est mon royaume

De Libreville à Anvers, de Douala à La Rochelle, le portrait de jeunes marins d'aujourd'hui, ouvriers globalisés confrontés à la solitude de leur monde parallèle.

Critique : Pendant dix mois, Marc Picavez a partagé le quotidien de l'équipage de l'African Forest, monumental cargo de marchandises qui navigue entre les continents africain et européen. Son film nous entraîne dans un long périple où se côtoient la rudesse du métier de marin, l'agitation des escales et l'ennui des interminables traversées. La caméra s'attache plus particulièrement à Ramil, tout jeune élève officier philippin qui accomplit sa première mission, gentiment charrié par ses coéquipiers. Dans sa cabine, le « gringalet » amoncelle les Post-it mêlant préceptes et auto-encouragements... L'immersion laisse une large place à la contemplation de l'océan et dessine le paysage ambivalent de ces dix mois de voyage : à la fois immense toile où les éléments se déchaînent et décor monotone soumis au rythme de la houle. Sans commentaire, le film se construit autour d'instants choisis bourrés d'humeurs, d'éclats de voix et de silences, qui traduisent tout à la fois la solitude, le manque... et l'importance du collectif, dans de ­savoureuses séances de jeu et de karaokés bien arrosés. Tous ces moments dépeignent par petites touches l'ambiguïté de la vie de marin, entre beauté et pénibilité, liberté et entraves, camaraderie et isolement. Une jolie navigation poétique. — Marie-Hélène Soenen

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