En attendant la mer

Jugé responsable d'un naufrage qui a coûté la vie à l'équipage de son chalutier et à sa fiancée, Marat a passé des années en détention. Pendant son absence, la mer d'Aral s'est retirée de son village : il n'y a plus qu'un désert de sel, des fonds marins asséchés et des épaves enlisées. Dont celle de son bateau, qu'il veut réparer et placer sur des rails pour lui faire retrouver la mer. Convaincu qu'il y parviendra la nuit du Nouvel An, il poursuit son rêve en dépit des quolibets de ses voisins. Tamara, la soeur de sa fiancée disparue, qui l'aime en secret, le soutient dans sa folle entreprise, motivée par les prévisions d'une voyante...

Critique : | Genre : sisyphe sur un bateau. Un bateau échoué en plein désert. L'image est fascinante. Et terrifiante : en quelques années, la mer d'Aral s'est asséchée, laissant sur le flanc les chalutiers et plongeant dans la misère les pêcheurs. Marat, capitaine seul survivant d'une tempête, revient dans son village côtier après plusieurs années de prison. Il ne reconnaît plus rien, mais ne veut pas se soumettre. Il compte bien se venger de la fatalité et ­retrouver ses marins ainsi que sa femme, disparus dans le naufrage. Il n'y a plus d'eau ? Qu'importe, il fera glisser son embarcation sur le sable à la force de ses bras... Le paysage est hallucinant, magnifiquement filmé. Les concrétions de sel et les ­parois du lac sont pareilles à des vagues ­figées. L'épave de Marat avance lentement dans ce paysage de cauchemar à la recherche de l'eau, quête aussi absurde que cette catastrophe écologique. L'image pourrait être lourdement symbolique, mais le réalisateur tadjik — mort l'an dernier — sait distiller suffisamment d'humour noir et de cruauté pour que la poésie tourne court. Autour de Marat la folie rôde. La violence explose souvent, inutile et sauvage, comme ce lac asséché où les dromadaires ont remplacé les poissons. On se serait donc passé du final quasi biblique, pirouette allégorique vite expédiée et peu convaincante. — Anne Dessuant

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